18 mai 2014
Lynda Lemay était d’humeur aux confidences lorsque nous l’avons rencontrée pour parler de ses 25 ans de carrière. Deux fois maman par surprise, artiste intègre, avec des complexes, mais sans regret et sans censure, la raconteuse avoue qu’à l’aube de ses 50 ans, elle aurait besoin de regarnir son jardin secret.
Lynda Lemay aime tout dire, sans filtre. «J’ai un manque de pudeur épouvantable», glisse-t-elle après quelques minutes de discussion. «Avant, j’avais un petit orgueil qui imposait une limite. Mais en vieillissant, je me fous de bien paraître ou de moins bien paraître. Mais ça ne veut pas dire que ça ne dérange pas les autres d’entendre des choses qu’ils n’ont pas besoin d’entendre.»
À ses débuts, sa volubilité lui a joué des tours. Lors de sa première tournée d’entrevues, en 1994, pour son album Y, elle avait déjà rencontré l’humoriste Patrick Huard, était en amour, répondait candidement à tout. «J’ai appris qu’on peut ne pas donner d’entrevue et tout de même faire la une des revues à potins, qui construisent un texte en repiquant et en déformant d’autres articles», raconte-t-elle.
Le drame, son moteur
L’auteure-compositrice n’est toutefois pas du genre à s’apitoyer sur son sort. Le drame, pour elle, est avant tout un moteur de création. «Dans mes chansons, je peux faire autant des hommages aux gens que j’aime que décrire le côté beaucoup plus sombre de l’être humain, mais je le fais toujours avec un maximum de respect», indique-t-elle. Pour raconter le drame d’un enfant abusé dans La boue dans les yeux, par exemple, elle a soigneusement choisi chaque mot. «Je vais dans des endroits où d’autres n’ont pas envie d’aller. Si ça existe, je veux être capable d’en parler», résume-t-elle.
Lynda Lemay est arrivée à la chanson par la poésie et l’écriture, ne découvrant ses aptitudes de mélodiste qu’à la fin de l’adolescence, lors d’une année sabbatique chez ses parents, à Portneuf. Elle a depuis longtemps fait la paix avec le fait qu’elle ne sera jamais une chanteuse à voix.
«C’est l’émotion qui a été mon professeur de voix. En ne me posant pas de questions à savoir si c’est beau ou si ça casse, j’arrive à bien chanter et à avoir une vraie amélioration dans ma façon de le faire au fil des années», indique celle qui s’est longtemps considérée comme une «murmureuse» ou une raconteuse avant d’accepter l’étiquette de chanteuse. Et celle-ci, dans son cas, est toujours accolée à celle d’auteure-compositrice.
Apprendre à être maman
Pour Lynda Lemay, carrière et maternité sont profondément inter reliées. Au moment d’auditionner pour Gérard Davoust et de lancer sa carrière en France, elle est enceinte de sa première fille, Jessie, sans le savoir. Un disque et une première tournée française ont suivi de près l’accouchement. «J’apprenais à être maman en même temps que j’apprenais à être une artiste internationale. C’était exaltant», résume celle qui a ensuite eu la surprise d’une deuxième grossesse à 40 ans, avant de sortir Ma signature, qui a été disque platine en France. Lynda Lemay est définitivement sans remords et sans regret. «Il n’y a rien qui est mort dans mon bonheur. Mes couples n’ont pas fonctionné, mais l’important est d’avoir réussi des séparations qui ont permis une vie sereine pour mes filles.»
Il y a déjà quelque temps que Lynda Lemay gère elle-même sa carrière. «Le plus dur est de dire non à des projets intéressants», souligne-t-elle. Pour le reste, ce qu’elle a à offrir artistiquement a toujours été clairement défini : les histoires humaines, des mélodies, de l’émotion. «Je veux faire du bon Lynda Lemay. Je n’irai pas faire du jazz, par exemple, même si j’en écoute de temps en temps. Je ne serais pas heureuse, je ne serais pas habile. Il faut savoir où on est bon», philosophe celle qui ressent toujours la même excitation qu’à ses débuts au moment de composer de nouvelles chansons.
Ne pas plaire à tous
Cette solide confiance en elle l’a bien aidée lorsqu’elle a eu à essuyer des critiques au fil des années. On a dit, par exemple, qu’elle faisait «trop» de chansons, «alors qu’être prolifique, pour moi, c’est un cadeau! J’aime ça avoir des choses à dire», se défend-elle. Mais de là à accepter de se faire dire qu’elle fait tout et n’importe quoi, il y a une marge. «Je fais un tri serré, même si c’est vrai que mes albums sont bien fournis», souligne Lemay, bien consciente qu’on ne peut pas plaire à tout le monde, en indiquant qu’elle a elle-même des goûts bien arrêtés et qui s’explique mal certains engouements. «Lorsque je vais vérifier sur scène si le public ressent la même émotion que moi, puis que je me fais demander si les nouvelles chansons que j’ai chantées seront sur mon prochain album, je me trouve choyée. On ne me dit pas de refaire mes vieilles tounes.»
Certains de ses succès sont tout de même presque impossibles à déloger de ses spectacles. Alors qu’elle arrive toujours à entonner Le plus fort c’est mon père ou La visite avec une ferveur renouvelée, elle dit être lasse des fameux Souliers verts. Pour lui redonner de l’élan, elle a donc trouvé le moyen d’en concocter une version reggae…
Cet été, elle replongera avec joie dans l’aventure du Festival international de la chanson de Granby, qui a marqué le début de sa carrière en 1989 et dont elle est cette année la porte-parole. «Dans ma tête, ça ne fait pas 25 ans. Je me sens encore fraîche sortie de cette expérience-là», indique celle dont la cinquantaine s’annonce rayonnante.
Via Josianne Desloges Le Soleil – 18 mai 2014