17 février 2006
Interview Vidéo
Lynda Lemay raconte comment lui est venue l’idée du spectacle Un éternel hiver
Quand elle a écrit son opéra-folk Un éternel hiver, Lynda Lemay ne se serait jamais permis d’aborder le suicide sans faire naître l’espoir à côté.
Cet espoir qu’elle a semé en spectacle l’a amenée à s’engager dans la lutte contre le suicide. Faisant équipe avec les Cowboys fringants et La Volée d’castors, la chanteuse a agi tout récemment comme porte-parole de la Semaine de prévention du suicide. Un engagement envers la vie, qu’elle aime au point de la donner encore : son deuxième enfant est attendu l’été prochain.
Les hasards arrangés faisant bien les choses, la chanteuse a pu livrer son message d’espoir sur plusieurs tribunes ces derniers jours, puisqu’on s’intéressait aussi à elle à l’occasion du lancement sur CD de l’intégrale du spectacle Un éternel hiver, enregistré live.
Dans l’histoire chantée qu’elle a imaginée, une mère regarde impuissante son fils s’enfoncer dans la violence et le désespoir, jusqu’à la mort. Mort qui survient malgré l’amour qu’il reçoit de celle qui porte son enfant.
Un mélodrame, comme la vie l’est souvent. À la fin, Lynda Lemay remercie son public et lui dit comme il serait merveilleux de mettre des mots sur les « silences insupportables. » Et après, elle donne ses mots au mort, le temps d’une chanson…
« Si j’avais su que si j’avais tout dit/Vous auriez tout compris, je serais encore ici. »
Sauver des vies
Pour Lynda Lemay, casser le silence, c’est le point de départ de l’espoir. Celle qui aime tant les mots croit fermement qu’ils peuvent sauver des vies. « Pour quelqu’un qui est au bout du désespoir, lui dire que ça ira mieux, ça semble faible… Mais à partir du moment où cette personne sent qu’elle est comprise, il y a un début d’espoir », estime la chanteuse.
« Si rendu au bout du désespoir, quelqu’un a une poussée d’énergie suffisante pour arriver à s’enlever la vie, je me dis que cette poussée devrait être suffisante pour sauver SA vie. Il faut parvenir à faire dévier cette énergie dans la bonne direction. »
Lynda Lemay n’a jamais été touchée par le suicide d’un proche. C’est par un voyage intérieur qu’elle est parvenue à se plonger dans le désespoir d’un jeune homme, la culpabilité de sa mère et la profonde tristesse de sa blonde. Ses proches peuvent en témoigner : Lynda Lemay est profondément empathique. « Des gens qui l’ont vécu (le suicide d’un proche) sont venus me voir et m’ont dit que j’ai écrit les mots qu’ils auraient utilisés. »
Se plonger dans la douleur des autres pourrait vouloir dire s’y abîmer. Mais, au contraire, Lynda Lemay s’approche de cette douleur pour s’en libérer. « C’est comme si décortiquer le pire m’en protégeait, dit-elle. J’écris souvent pour jeter des peurs qui m’habitent. Pour mettre une distance entre mes peurs et moi-même. Ça me fait du bien, c’est très égoïste comme exercice, mais ça fait aussi du bien à ceux qui écoutent », remarque-t-elle.
Que l’on se rassure toutefois : si Lynda Lemay écrit autant, c’est par amour des mots et non parce qu’elle a peur de tout.
Mais peut-être aussi que, petite fille, elle s’est enfermée dans trop de silence.
« Je suis la deuxième de trois filles. J’étais une enfant très discrète, sauvage, timide, renfermée », se souvient-elle, ravie que tout ait bien changé depuis.
Quelque part à l’adolescence, elle s’est fait assez confiance pour oser s’exprimer. Et depuis, elle semble rattraper les mots perdus. En écrivant beaucoup de chansons, mais aussi des chansons avec beaucoup de mots. « Pour moi, les sentiments, ce n’est jamais simple. Je ne vois pas comment on peut les décrire et les faire vivre en deux mots. J’aime la précision. J’aime bien cerner un sujet. Je n’aime pas m’éparpiller, je veux rester sur une émotion très précise et en faire le tour. »
Lynda Lemay a besoin d’espace pour créer des images. Elle avait tant à dire sur l’espoir et les sentiments de culpabilité qu’elle a écrit 51 chansons pour son opéra-folk.
Aujourd’hui, elle est fière de sa poésie, de sa façon directe, parfois violente, de dire les choses.
L’accueil mitigé de la critique québécoise ? Ça ne l’atteint pas. On lui a reproché des chansons banales ; par exemple, celle qui dit « qu’un matin sans café, c’est pire qu’une nuit sans sommeil ».
L’artiste se défend : dans un opéra, il y a aussi des chansons de mise en situation pour faire comprendre l’histoire. , dit-elle, ajoutant que la poésie qui la satisfait vient plus tard dans l’œuvre, particulièrement dans le dénouement.
Quoi qu’il en soit, Un éternel hiver a été vu dans 17 villes québécoises et le public a aussi apprécié en France, où elle retourne bientôt avec son équipe, en supplémentaires. Des représentations étaient prévues jusqu’en juin, mais il faudra écourter d’un mois la tournée car Lynda Lemay attend son bébé en juillet.
Pour le moment, elle ignore combien de temps elle consacrera exclusivement à la maternité ; tout dépendra de la santé de chacun. Mais une chose est certaine, quand elle retournera à sa vie d’artiste, ce sera en solo. « J’aurai envie de revenir à quelque chose de très simple ! »
17 février 2006 par Valérie Lesage