Lynda Lemay reprend sa tournée

23 juillet 2007

Le Monde – 23 juillet 2007

Lynda LemayLa Québécoise Lynda Lemay, 41 ans, reprend sa conversation avec son public français après la publication de Ma signature, son dixième album en dix-sept ans de carrière. Grande fille joueuse, la gamine de Portneuf, une ville des bords du Saint-Laurent, n’a pas cessé d’observer les siens et nos proches. Le dialogue intérieur d’une mamie centenaire ou celui d’un gosse de riche délaissé, la condition féminine prise dans son acception la plus contraignante – plaire aux hommes selon leurs critères, minceur et soumission – sont décrits avec justesse et humour. Comme ils disent, suivi d’un hommage qu’elle a composé pour « le plus grand des chanteurs français ». Elle poursuivra ailleurs pour que le matin arrive. Lynda Lemay parle, parce que parler, c’est vivre.

En tournée, Lynda Lemay reste calée sur l’heure du Québec – six heures en moins. A Deauville, elle dîne donc à l’heure du souper, et, au fond de la nuit, prend une guitare « nylon ». Attablée au Brummel, le restaurant du casino, elle chante pour le plaisir et pour les amis avec ses deux guitaristes, les frères Savard : sa chanson préférée de Charles Aznavour,

Votre concert est très « guitare ». Pourquoi ?

Je suis en scène avec juste deux guitaristes, dont Yves Savard, mon complice de longue date, comme si c’était pour quatre-vingts personnes dans des boîtes à chansons, des lieux où j’ai d’ailleurs pris beaucoup de plaisir à rechanter récemment. Par exemple au Chasse Galerie, une sorte de chalet en bois à trois quarts d’heure de Montréal. Le public québécois m’a vue ainsi à mes débuts, il me retrouve, j’adore voir les visages de près.

Avec les guitares, le spectacle n’est-il pas plus dépouillé ?

Nous utilisons des guitares Boucher, qui sont fabriquées par un artisan de Berthier-sur-Mer, un village à l’est de Québec. Ce sont les meilleures du monde ! Je viens d’en recevoir une, spécialement accordée un ton plus bas, pour me permettre de caler ma voix.

Votre thème de prédilection est la famille. De quelles familles parlez-vous ?

De toutes sortes de familles : recomposées, ce qui est mon cas (Lynda Lemay a deux filles âgées de 10 ans et 1 an, de pères différents), homo parentales, divorcées, normales… Je parle de la grossesse, de l’accouchement, et aussi des manipulations génétiques, dans Ça m’fout la frousse. Et puis je parle des générations, des vieux, des enfants, des enfants mal aimés, des enfants anormaux, des enfants désirés. Normalement, la famille, c’est la base, la sécurité, mais certains y ont appris la haine, la violence, il faut qu’ils se sortent de ces pièges de la vie. Un jour, j’étais dans un salon d’attente d’Air France, j’ai vu une femme très chic, qui n’avait plus aucune place pour aimer son fils, c’était pathétique. J’ai écrit une chanson en imaginant ce que pensait le petit garçon.

Vous avez imaginé de la même manière le monologue d’une centenaire fatiguée de vivre ou celui de Margueritte, qui perd la boule en maison de retraite. Ces thèmes passent bien ?

Mon public s’identifie à ces chansons, selon son propre vécu. Parfois, on a la confiance « chambranlante » parce qu’on a été trahi, brisé. Ils le savent très bien. Et ils savent aussi rire et applaudir.

Vos chansons sont en édition chez Raoul Breton, propriété de Charles Aznavour. Comment l’avez-vous rencontré ?

J’ai été invitée par l’intermédiaire de ma maison de disques, Warner, à participer à un hommage à Charles Trenet, au festival de jazz de Montreux en 1996. Dans la salle, Trenet était à côté de Charles Aznavour, qui venait de racheter les éditions Breton (éditeur historique de Trenet). J’ai chanté Que reste-t-il de nos amours ? et Ma maison, puis une chanson à moi, La Visite. Les deux grands Charles m’ont fait appeler en loge, Gérard Davoust (associé d’Aznavour chez Breton) était là. Depuis, cette amitié ne s’est pas démentie.